Les produits pharmaceutiques dans les ressources en eau
La présence de résidus de médicaments dans les ressources en eau pourrait paraître surprenante (il ne viendrait à priori à personne l'idée de déverser des médicaments dans un lac ou une rivière), mais est d'une implacable logique : nos eaux usées contiennent des médicaments rejetés directement dans les canalisations par les activités de soins en médecine humaine et vétérinaire mais aussi par les élevages. Ces produits sont très variés : des agents chimiques : antibiotiques, antalgiques, anti-inflammatoires, antimitotiques, produits de contraste.... mais aussi de nombreux produits radioactifs (utilisés en service de médecine nucléaire).
Beaucoup de ces produits ne sont pas ou très mal dégradés dans les stations d'épuration (elles n'ont jamais été conçues pour cela) et finissent donc dans les eaux rejetées dans le milieu naturel. Ces polluants peuvent aussi se retrouver dans les boues de traitement et contaminer alors les sols ayant reçus des épandages.
Cette pollution n'est pas vraiment nouvelles mais nous parlons depuis peu (on ne peut donc vraiment parler d'un risque "émergent").
La solution pourrait, dès lors paraitre simple : collecter en amont (avant les rejets ces médicaments) ces substances. Une des difficultés vient notamment du fait que la consommation de ces médicaments est maintenant très diffuse : l'essentiel de la consommation se fait au domicile du patients rendant plus difficile la mise en place d'un système de collecte. D'autre part, le médicament, une fois incorporé est transformés par l'organisme (métabolisation) puis excrété. Certaines molécules vont ainsi donner naissance à des sous produits rejetés via les selles et les urines dans les égouts sans qu'il soit possible de mettre en place un système de collecte.
Le rejet de résidus est donc quasiment inévitable (il peut cependant être notablement réduit et ses effets fortement diminués). Un des élément préoccupant de ce dossier est la persistance de certaines molécules dans les milieux naturels (notamment dans les sédiments) c'est le cas de certains antibiotiques par exemple qui pourraient favoriser à terme l'apparition de souches bactériennes résistantes (25 000 décès par an sont dus à des bactéries résistantes en Europe[1]). Concernant les effets sur l'homme, il n'existe aucune donnée sur les effets à long terme des très faibles doses auxquelles nous pourrions être exposés via l'eau de boisson ou lors de l'incorporation dans la chaine alimentaire de certains composés. Les doses sont certes très faibles, cependant, les effets sur de longues expositions et surtout les effets cocktails (les effets liés aux mélanges de ces substances) sont quasiment inconnus. La prudence s'impose donc
Que pouvons nous faire ?
Ne pas jeter les médicaments non utilisés dans les poubelles et plus encore dans les égouts est le premier geste de bon sens. Un système de collecte existe : ramenez les chez les pharmaciens qui doivent les collecter gratuitement en vue de leur destruction par incinération. En toute logique, les conditionnements de ces produits devraient être adapté afin d'éviter "les restes" (des progrès ont été fait par l'industrie pharmaceutique sur le sujet). On pourrait aussi imaginer des médicaments moins polluants (directement -via les rejets- ou indirectement -après métabolisation-). Cette idée est déjà mise en pratique en Suède. Dans ce pays, les médecins peuvent opter pour des médicaments "écologiques" et donc privilégier les moins polluants. Ils disposent pour cela d'une base de données qui comprend 1100 substances. D'autre part, les prescriptions devraient être réalisées au plus juste. Pourtant, selon l’IGAS[2] en 2005, « une partie des médicaments délivrés au public reste inutilisée du fait du gaspillage non maîtrisé de médicaments qui correspondrait à des prescriptions largement excessives selon un ordre de grandeur de 30 à 70 % ». Tout aussi efficacement, étant donné que la grande part de ces médicaments sont absorbés puis métabolisés avant excrétion et qu'ils ne peuvent pas -dès l'ors- être collectés, il conviendrait en tout premier lieu d'en limiter notre consommation. Attention toutefois à ne pas réduire ou cesser son traitement sans avis médical !
Pourtant, réduire la consommation de médicaments serait une tâche délicate si l'on en croit un sondage de l'institut TNS Sofres pour la Mutualité française en juin 2011 : 84 % des Français ne se considèrent pas comme des consommateurs excessifs de médicaments. Les chiffres pourtant parlent d'eux même : Nous sommes les premiers consommateur européen de médicaments et les deuxième mondiaux (derrière les habitants des USA). Nous sommes mêmes les champions du monde de la consommation d'anti-dépresseurs.
Mais réduire la consommation de médicaments, c'est aussi changer de culture : un bon médecin ne s'évalue pas à la longueur de sa prescription. En France, 9 fois sur 10 les consultations chez le médecin se terminent par une prescription médicamenteuse contre une 1 fois sur 2 aux Pays- Bas. On peut donc choisir un médecin qui prend le temps de vous écouter et qui privilégie une approche d'éducation à la santé par des recommandations hygiénico-diététiques. Le choix de praticiens travaillant en médecines douces est aussi une voie que l'on peut recommander (homéopathe, ostéopathe...). Un document[3] de l'Assurance maladie présente des signes encourageants : 85 % des médecins français considèrent leurs patients réceptifs aux mesures hygiéno-diététiques en remplacement de la prise de médicaments. Et à la question "Si un médecin vous disait que pour résoudre un problème de santé vous pouvez, soit prendre un médicament, soit faire évoluer vos comportements, qu’est-ce que vous préféreriez faire ?", 83% des personnes sondées préfèrent faire évoluer leurs comportements à la prise de médicaments. Nous allons dans le bon sens ! En attendant des évolutions qui permettrons d'unir patients et prescripteur dans une réduction de la consommation, il n'est pas nécessaire d'attendre pour réduire la prise de médicaments en auto-médication dès que possible. Dans un autre registre, le mode de contraception peut, lui aussi participer à cette réduction de consommation : La pilule contraceptive constitue en effet une source de rejets de polluants hormonaux dans les ressources en eaux. Ces substances, selon plusieurs études, expliqueraient même la féminisation des populations de poissons dans les cours d'eau. Il est d'ailleurs intéressant de constater que la pilule est le premier contraceptif utilisé en France. Encore une de nos spécificités : Le stérilet est beaucoup moins utilisé par les françaises que les autres européens. Pourtant cette méfiance des femmes française (et des médecins bien souvent !) à l'égard de cette contraception ne résiste pas à l'analyse. Par rapport à la pilule, son efficacité est quasiment identique, ses risques très réduits (et sur divers aspects nettement plus faibles), il peut être prescrit, lui aussi chez une femme n'ayant pas eu d'enfants. De nombreux médecins restent pourtant réticents à sa prescription bien que les autorités sanitaires tentent depuis des années de changer cette image négative -et bien injustifiée- du stérilet. Moins cher, il est aussi moins polluant pour une efficacité quasi identique (il conviendrait de privilégier celui au cuivre plutôt que celui imprégné d'hormones).
Et oui, surprenant, mais bien réel : la lutte contre la pollution de nos ressources en eau peut aussi passer par le mode de contraception ! (surtout étant donné le nombre de femmes concernées).
Pour finir sur le sujet de la consommation, n'oublions pas non plus que réduire la consommation de médicaments , c'est aussi améliorer l'état des comptes de notre sécurité sociale (plus de 500€ de remboursement de médicaments par français et par an contre 400€ en moyenne pour le reste de l'l'Europe) mais aussi de notre propre santé : les accidents iatrogènes (complications provoquées par la prescription ou les conditions de prise d’un traitement médicamenteux) sont responsables chaque année en France de 130 000 hospitalisations et 10 000 décès (principalement de personnes âgées)[4] Mieux pour l'environnement mais aussi notre santé et notre économie... La réduction de la consommation de médicaments est au cœur du développement durable.
Notes
[1] source : "Les enjeux en matière de prévention de la santé" - J.C. Etienne et C. Corne - Les avis du conseil économique, social et environnemental - 2012
[2] IGAS (Inspection générale des affaires sociales)
[3] "Des antibiotiques aux médicaments : les Français sont-ils prêts à changer de comportement ?" - Assurance Maladie - Mardi 19 octobre 2005
[4] source : "Les enjeux en matière de prévention de la santé" - J.C. Etienne et C. Corne - Les avis du conseil économique, social et environnemental - 2012